42 Hilldrop Road N.7
Le 14/10/1945
(sic)
Bien cher Ami,
Qu’il me soit permis avant toute chose d’attirer ton attention sur le fait que ma vue a fortement baissé et qu’avec ta façon de vouloir écrire le plus possible sur une pauvre carte postale il me faut 1e une loupe 2e une demi heure de temps pour déchiffrer tes bâtonnets !!
Pour autant que je sache la censure a cessé et
il suffit de toute façon de parler d’un paquet sans mentionner le contenu.
Dans quelques jours je répéterai l’ expérience mais
je crains fort qu’ ici ou à Gand on n’ évente bientôt la mèche. Pour savoir si
le paquet est arrivé à destination il me suffit d’ avoir par retour de courrier
une simple carte datée (non pas lundi ou dimanche) avec une simple phrase
accusant réception de manière à du délai entre l’envoi et l’arrivée.
Pour ce qui est de Juul je m’ abstiens pour l’
instant de tout jugement jusqu’à ce que je sois en possession des faits et non
de « on dit » et autres bruits. Quand je me suis permis de demander
des détails sur sa fin je pensais à des coupures des journaux locaux et d’un quelconque
grand journal de Bruxelles.
Je suppose qu’il est trop tard pour se procurer
cela. En tous cas ne te donne pas trop de peine pour me dénicher cela. Qui sont
ces « Deux Noirs » (je suppose des collaborateurs) qui seuls ont
suivi le corbillard ?
Pour ce qui est d’ obsèques « officielles »
je ne suis pas bien sûr que ce soit le cas pour notre ami qui n’ était je crois
que membre correspondant. Je puis me tromper.
Enfin, nous reparlerons de tout cela, à vivre
voix plus tard. Je crains que ce ne soit beaucoup plus tard car, à partir d’
après-demain je commence en plus de mon boulot a l’ hebdomadaire un travail du
soir que m’ occupera 6 jours par semaine de 7 heures à minuit.
Ce n’est pas le moment de demander un congé quand
on organise un nouveau service. Mais cela se tassera bien un jour. Voici 6 ans
que je turbine sans un jour de congé et j’ espère que je tiendra encore le coup
pendant quelques mois.
Bien des choses à vous deux,
de nous deux
Peter
P.S. J’ attends toujours un mot de la femme de
Juul. Quand je t’ai écrit l’ autre jour que la lettre me fixerait je ne pensais
nullement à la collaboration ou pseudo collaboration mais à un fait qui remonte
à 1918 !!
Je continu de surveiller les enveloppes mais je
n’ai rien de bien intéressant à t’ envoyer pour l’ instant en fait de timbres.
Lundi 10/12/1945
Cher ami,
Si j’ai tardé de répondre à la lettre datée du
29 novembre, ce n’est pas que l’ écrit m’ ait manqué de prendre la plume et d’épistoles.
C’est la santé. Voilà trois semaines que, comme un imbécile, je me refuse le
repos et les soins réclament un refroidissement avec son cortège de fièvre, de
bronchite, vomissement etc. J’ai continué le turbin et comme je ne rentre
jamais avant 11 hr ou 11 hr ½ - très souvent en marchant une partie du chemin parce
que le dernier autobus est parti - je me suis senti tellement déprimé et fatigué
par des quintes de toux que je n’ai eu ni le courage ni la force d’ écrire des
lettres.
Voici trois jours que, forcé finalement par la nature
à mettre la pédale sourde, je me soigne à la maison et je compte me remettre
sans trop de casse de ce refroidir serment négligé ! Les effets de la
quinine commencent à disparaître et j’ai enfin la tête suffisamment claire pour
savoir ce que je dis.
Parlons d’ abord de ce qui parait te tenir le
plus à cœur : les cigares.
J’ai envoyé 5 fois des paquets de 50. Tu en as
reçu deux. Il y en a donc trois qui se sont perdus en cours de route, de ce
côté ci de la Mer du Nord ou de l’autre. Impossible de savoir. Je me demande si
la proportion des pertes n’est pas trop grande aussi longtemps qu’on ne pourra
recommander les paquets.
J’ ignorais qu’on faisait payer 26,70 fr par
paquet mais évidemment la douane est à l’ œil, comme en cours de route les
amateurs. Ces escamotages, c’est aussi le cas pour la France et les Pays-Bas, sont
devenus si fréquents qu’on hésite à envoyer quoique ce soit.
C’est la raison pour laquelle, profitant du
voyage de quelqu’un qui devait passer par le centre de rapatriement , j’ ai
fait remettre cette boite de 100.
Quelqu’ un m’ a promis une adresse d’ un soldat
à l’ hôpital. Il paraît que la douane ne met pas le nez dans les affaires des
militaires. Au besoin j’essayerai de faire passer par cette voie éventuelle.
Non, l’ envoi de tabac n’est pas interdit. Le
problème est d’ en trouver. C’ est de nouveau la chasse au cigarettes à
l’approche de Noel, car comme il n’ y a pas de cadeaux dans les magasins tout
le monde se rabat sur les cigarettes. Alors c’est le cercle vicieux. Enfin on verra.
L’ histoire du père Locion ne m’a même pas
amusé. Elle prouve tout simplement qu’il n’a guère changé et qu’il a la peau d’ un éléphant. J’ aurais
été reçu comme tu l’as reçu plusieurs fois, du diable si j’ irais te voir. Mais
voilà, ces gens, père et fils, sont des exhibitionnistes. Il fut parler, se rendre
intéressant. Mais, à propos, je le
croyais domicilié à Bruxelles, après avoir vécu quelques années à Ostende. En
effet, son fils, aux frais de la princesse, a fait une tournée au Portugal et
je présume que c’est surtout de cela qu’ il t’ a entretenu. Enfin, pauvre
homme.
J’ai négligé te de dire que la femme de Juul m’a
envoyé - non pas un faire-part, mais une carte de remerciements avec photo de
notre cher ami. Elle m’a promis d’ écrire plus longuement. J’ attends toujours.
Incidemment elle avait des craintes pour l’ œuvre de son mari, à cause de la
petite Stella , qui bien entendu, hérite d’ un quart de ce que son père a
laissé puisqu’il y a la femme (la moitié) et un autre enfant (1/4).
Je me blâme personne, mais si tel est le cas les
craintes de Juul se réaliseront. Ce qui m’étonne c’est qu’il n’ait pas pris les
précautions nécessaires, comme je lui ai conseillé à maintes reprises, pour
mettre à l’abri de tous ses héréditaires sans distinction l’ exploitation
commerciale de son œuvre.
Etant marié, non pas sous le régime de la
communauté, mais sous la séparation de biens, il disposait librement de tout le
produit de son art et n’avait qu’ à faire un testament stipulant ce qu’il
entendait faire de ses plaques etc. tout en ne frustrant pas les héritiers d’
une part convenable de l’ argent, meubles, maison etc. qu’il laissait.
La question le hantais depuis qu’il avait reconnu
Stella. La question est devenu aiguë quand il a cru devoir épouser sa femme qui
attendait un bébé, seul moyen de mettre la main sur lui.
C’est précisément en prévision de tout cela que
le mariage s’est fait sans contrat de séparations des biens.
J’ en sais quelque chose puisque c’ est moi qui ‘l ai fait faire pour
laisser à Juul toute liberté d’ action. C’est aussi pour cela que sa femme nue
blairait à peine. Je ne sais si tu le savais , mais durant la guerre j’ étais
devenu le confident et conseiller de Juul et cela ne plaisait pas à certaine
personne. Le malheur a voulu que je ne rentre pas en Belgique, autrement
j’aurais pu, par voie d’ avocat et de notaire, immobiliser l’œuvre artistique et
la faire confier à du conseil d’exécuteurs testamentaires. Peut-être Juul l’
a-t-il fait Si oui cela se saura bien, sinon cela va être une bataille royale.
C’est malheureux, bien malheureux tout cela. Ce que j’ écris est strictement
confidentiel et il ne faut pas que cela s’ ébruite. Pas même une allusion,
ne fût ce que pour la mémoire de notre cher ami.
Since Bien à toi
Peter
(brief uitgeschreven door Frank & Eli)
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